Catégorie : Santé

Je vais être franche : quand j'ai entendu pour la première fois parler du protocole excentrique pour la tendinite du tendon d'Achille, j'étais sceptique. Comment des exercices aussi simples — essentiellement des "heel drops" — pouvaient-ils rivaliser avec des traitements plus techniques ou même la chirurgie ? Après m'être documentée, avoir testé le protocole avec des patients et lu plusieurs études, je peux dire que oui, il est possible de récupérer d'une tendinopathie achilléenne sans passer par la case chirurgie, à condition de suivre quelques règles précises et de respecter le temps de cicatrisation.

Qu'est-ce que la tendinite/tendinopathie achilléenne ?

Avant tout, je précise une chose : on parle de tendinopathie et non toujours de "tendinite" au sens strict. Une tendinite suggère une inflammation aiguë, alors que la tendinopathie recouvre souvent des modifications dégénératives et une altération de la structure du tendon. Les symptômes classiques : douleur au niveau de l'arrière de la cheville, raideur le matin, douleur à la montée d'escaliers ou après une course. Les coureurs, les personnes qui augmentent trop vite la charge d'entraînement et celles portant des chaussures inadaptées sont particulièrement exposées.

Le protocole excentrique : principe et origine

Le protocole excentrique le plus cité est sans doute celui d'Alfredson (1998). Le principe est simple : renforcer le tendon en le faisant travailler en phase excentrique (lorsqu'il s'allonge sous tension), ce qui stimulerait une réparation structurée et une réorganisation des fibres de collagène. Concrètement, on effectue des "heel drops" (chutes de talon) en charge, souvent sur une marche, avec une phase montée assistée (souvent avec l'autre jambe) et une phase descendante lente et contrôlée sur la jambe atteinte.

Pourquoi ça marche (selon les études et mon expérience) ?

  • Le travail excentrique améliore la tolérance à la charge et réduit la douleur sur le long terme.
  • Il favorise une meilleure organisation des fibres tendineuses et une résorption de la néovascularisation pathologique parfois associée à la douleur.
  • Il est non invasif, facile à mettre en place et peu coûteux.
  • Dans ma pratique et en lisant la littérature, j'ai vu beaucoup de patients améliorer significativement leurs symptômes en 8 à 12 semaines avec un protocole bien suivi. Les taux de succès varient selon les études, mais beaucoup rapportent une amélioration importante sans intervention chirurgicale.

    Comment mettre en place le protocole excentrique (guide pratique)

    Voici une version adaptée et pragmatique que j'utilise et que je recommande :

    PhaseExerciceSéries / RépétitionsFréquence
    Semaines 1–6 Heel drop à jambe droite puis gauche (pieds nus ou en chaussettes), montée assistée avec l'autre jambe 3 séries de 15 répétitions 2 fois par jour (matin/soir)
    Semaines 7–12 Ajouter charge (sac à dos, haltères) si toléré, maintenir lenteur: 3–4 s en descente 3 séries de 15 répétitions 1–2 fois par jour
    Après 12 semaines Progression vers sauts légers, montée en charge spécifique (course si coureur) Progressif Selon tolérance

    Quelques points clés : effectuer la descente lentement (2–4 secondes), ne pas forcer jusqu'à une douleur insupportable (une douleur modérée tolérable est souvent acceptable) et être régulier. Le protocole d'Alfredson prescrit souvent 3 séries de 15, deux fois par jour pendant 12 semaines — c'est une base solide.

    Que faire en complément ?

  • Gestion de la charge : réduire temporairement la course ou l'activité qui irrite le tendon. Remplacer par du vélo ou de la natation pour garder la forme.
  • Étirements et mobilité : travailler les mollets (gastrocnémiens et soléaire) mais sans forcer sur le tendon douloureux.
  • Chaussures et semelles : utiliser des chaussures avec bon amorti et éventuellement des semelles orthopédiques pour corriger une biomécanique défavorable.
  • Thérapies complémentaires : on trouve de bons résultats avec la thérapie par ondes de choc (ESWT) et, chez certains, l'infiltration PRP (plasma riche en plaquettes), mais ces solutions doivent être discutées avec un spécialiste.
  • Anti-inflammatoires et glace : peuvent aider à court terme pour la douleur, mais ne remplacent pas le travail de remodelage tendineux.
  • Combien de temps pour récupérer ?

    La patience est essentielle. Pour beaucoup, une nette amélioration est visible en 8–12 semaines, mais pour une récupération complète et un retour à des charges intenses (course régulière, compétitions), il faut souvent 3–6 mois. Certains cas chroniques demandent encore plus de temps. J'encourage mes lecteurs à se fixer des objectifs progressifs : d'abord réduire la douleur quotidienne, puis revenir à une activité légère, et enfin récupérer la performance.

    Quand la chirurgie devient-elle nécessaire ?

    La chirurgie est rarement la première option. Elle peut être envisagée si :

  • Après 6–12 mois de prise en charge conservatrice rigoureuse (protocole excentrique, orthèses, physiothérapie, éventuellement ondes de choc), la douleur persiste et limite significativement la fonction.
  • Il existe une rupture partielle/complète du tendon confirmée par imagerie (IRM/échographie) nécessitant une réparation.
  • Le tendon présente des lésions dégénératives massives avec symptômes invalidants.
  • La majorité des patients répondent bien au traitement conservateur. La chirurgie reste une option, mais elle implique rééducation et parfois plusieurs mois d'arrêt sportif.

    Précautions et erreurs courantes

  • Vouloir accélérer le processus en augmentant trop rapidement la charge : c'est souvent une cause d'échec.
  • Arrêter trop tôt le protocole dès que la douleur baisse : la récidive est possible si le tendon n'a pas été suffisamment renforcé.
  • Faire les exercices avec une mauvaise technique : contrôlez la vitesse, l'amplitude et évitez les mouvements brusques.
  • Je recommande systématiquement de travailler avec un physiothérapeute ou un coach formé aux pathologies tendineuses au moins en début de programme pour corriger la technique et adapter la progression.

    Mon conseil pratique

    Si vous commencez ce protocole, donnez-vous un objectif de 12 semaines. Notez quotidiennement la douleur (échelle 0–10), la capacité à marcher, à monter des escaliers et la tolérance à l'entraînement. Si après 8–12 semaines il n'y a aucune amélioration, consultez un spécialiste (médecin du sport, orthopédiste ou médecin rééducateur) pour un bilan et envisager d'autres options. Enfin, la prévention : augmentez toujours progressivement vos charges d'entraînement, entretenez la mobilité et la force des mollets et choisissez des chaussures adaptées.

    Si vous voulez, je peux vous fournir un programme personnalisé en fonction de votre sport (course à pied, tennis, fitness) ou vous indiquer des vidéos et tutoriels fiables des exercices excentriques pour que vous les exécutiez en toute sécurité.